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Édito

DEF. POINT DE SUTURE : point de couture effectué à l’aide d’un fil, serti sur une aiguille et maintenu par un nœud, pour rapprocher les lèvres d’une plaie ou d’une incision chirurgicale afin d’en faciliter la cicatrisation. 

 

 

Les mots, tour à tour fibres réparatrices et têtes d’aiguilles qui pincent à fleur de peau, les mots comme les souvenirs souvent refont surface. Les mots se portent à même l’épiderme. Les mots se trament, gravés sur l’écorce du corps. Enveloppe de chair et d’os que les maux abîment, abysses, habitent... Habiles, les mots nous échappent, nous abandonnent au fil du temps. Les mots sont parfois absents, repliés sur eux-mêmes, au-dedans, indolents, pour le moment inaccessibles... Les lèvres ne disent mots quand les maux cognent. Mais les maux débordent, alors il faut ouvrir. Inciser. Précisément là, à l’endroit du désordre. À l’aide des mots, s’ouvrir à soi-même. Regarder les mots qui grouillent, qui cogitent, agitent, les mots qui empêchent le sommeil. Regarder la blessure pour soigner la blessure... Evaluer la profondeur de la plaie, jusqu’où j’ai été touché.e ? Prendre soin, s’écouter, s’entendre dire, faire résonner les mots. Je triture, j’écriture. J’écris pour panser. Murmurer mes aveux. Pour rapiécer le passé. Je récolte les mots qui retentissent, qui comme des détonations éclatent. Les mots d’avant, les mots colère, les mots qui manquent... 

 

Toutes les familles de mots. 

 

Les mots d’amour,

ceux que la violence déguise,

qu’on réinvente,

Les mots doubles,

les mots aux lettres muettes,

des mots familiers retrouvés dans une autre bouche,

qui ricochent,

qui font des nœuds dans le ventre,

qui rapprochent,

les mots qu’on offre,

qu’on dévore, qu’on envie, qu’on sème,

les mots qui résonnent,

qui rapprochent,

qui font des bobos au cœur,

les non-dits,

les mots tatoués dont l’encre s’efface,

les mots qui font du bien, qui nous font faire du lien,

qui rassurent, enveloppent, apaisent,

qu’on réécrit,

les refus,

les oublis,

ceux qui restent bloqués dans la gorge,

les mots fragiles,

les mots indigestes,

et les mots qu’on ne mâche pas,

les mots qu’on ravale comme notre fierté,

les mots comme des éraflures qu’on maquille,

même le silence,

les mots, les mots, les mots...

 

Mélina Braleret-Kaabache

(typo Bianzhidai No BG Pearl)

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